Djayesse Alias Monsieur Bricolage. Chef de meute en rut. Roi du croisillon verbal. Aime décaler les sons.
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Sujet: Un peu de poésie dans ce monde de brutes Dim 14 Juin 2009 - 18:20
Voici un lieu que je dédie à Boris, ce fin lettré aux slips douteux. Mais on peut avoir un slip sale et s'émouvoir à la lecture de quelques lignes.
Donc, ici, faites-nous découvrir les lignes qui vous émeuvent.
Pour ma part, chaque nouvelle classe a le droit d'apprendre ces quelques lignes, afin qu'il n'y ait pas d'équivoque entre nous :
Hé Dieu, si j'eusse étudié...
Hé Dieu, si j'eusse étudié au temps de ma jeunesse folle et à bonnes mœurs dédié j'eusse maison et couche molle. Mais quoi ? Je fuyois l'école Comme le fait le mauvais enfant. En écrivant cette parole à peu que le cœur ne me fend.
Où sont les gracieux galants que je suivais au temps jadis si bien parlant si bien chantant si plaisants en faits et en dits ? D'aucuns sont morts et roidis, d'eux, n'est-il plus rien maintenant ? repos qu'ils aient en paradis, et Dieu sauve le remenant !
François Villon (Le Testament)
Dernière édition par Djayesse le Mer 2 Sep 2009 - 19:38, édité 1 fois
Djayesse Alias Monsieur Bricolage. Chef de meute en rut. Roi du croisillon verbal. Aime décaler les sons.
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Sujet: Re: Un peu de poésie dans ce monde de brutes Lun 24 Aoû 2009 - 20:56
Le petit Endroit
Vous qui venez ici dans une humble posture
De vos flancs alourdis décharger le fardeau
Veuillez quand vous aurez soulagé la nature
Et déposé dans l'urne un modeste cadeau
Epancher dans l'amphore un courant d'onde pure
Et sur l'autel fumant placer pour chapiteau
Le couvercle arrondi dont l'auguste jointure
Aux parfums indiscrets doit servir de tombeau
Alfred de Musset
=Lo$=Methode
Nombre de messages : 1230 Age : 35 Date d'inscription : 14/06/2009
Sujet: Re: Un peu de poésie dans ce monde de brutes Mar 25 Aoû 2009 - 2:33
Monsieur le Président
Je vous fais une lettre
Que vous lirez peut-être
Si vous avez le temps
Je viens de recevoir
Mes papiers militaires
Pour partir à la guerre
Avant mercredi soir
Monsieur le Président
Je ne veux pas la faire
Je ne suis pas sur terre
Pour tuer des pauvres gens
C'est pas pour vous fâcher
II faut que je vous dise
Ma décision est prise
Je m'en vais déserter.
Depuis que je suis né
J'ai vu mourir mon père
J'ai vu partir mes frères
Et pleurer mes enfants
Ma mère a tant souffert
Qu'elle est dedans sa tombe
Et se moque des bombes
Et se moque des vers
Quand j'étais prisonnier
On m'a volé ma femme
On m'a volé mon âme
Et tout mon cher passé
Demain de bon matin
Je fermerai ma porte
Au nez des années mortes
J'irai sur les chemins
Je mendierai ma vie
Sur les routes de France
De Bretagne en Provence
Et je dirai aux gens
Refusez d'obéir
Refusez de la faire
N'allez pas à la guerre
Refusez de partir
S'il faut donner son sang
Allez donner le vôtre
Vous êtes bon apôtre
Monsieur le Président
Si vous me poursuivez
Prévenez vos gendarmes
Que je n'aurai pas d'armes
Et qu'ils pourront tirer
Boris Vian
JubadeNumidie
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Sujet: Re: Un peu de poésie dans ce monde de brutes Mer 26 Aoû 2009 - 16:59
Demain, dès l'aube...
Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne, Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends. J'irai par la forêt, j'irai par la montagne. Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.
Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées, Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit, Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées, Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.
Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe, Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur, Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.
Victor HUGO (1802-1885)
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Sujet: Re: Un peu de poésie dans ce monde de brutes Jeu 27 Aoû 2009 - 10:56
Le dormeur du val
C'est un trou de verdure où chante une rivière, Accrochant follement aux herbes des haillons D'argent ; où le soleil, de la montagne fière, Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.
Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue, Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu, Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue, Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.
Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme Sourirait un enfant malade, il fait un somme : Nature, berce-le chaudement : il a froid.
Les parfums ne font pas frissonner sa narine ; Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine, Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.
Arthur Rimbaud (1854-1891)
JubadeNumidie
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Sujet: Re: Un peu de poésie dans ce monde de brutes Ven 28 Aoû 2009 - 0:15
* Alfred de VIGNY (1797-1863)
La mort du loup
I
Les nuages couraient sur la lune enflammée Comme sur l'incendie on voit fuir la fumée, Et les bois étaient noirs jusques à l'horizon. Nous marchions sans parler, dans l'humide gazon, Dans la bruyère épaisse et dans les hautes brandes, Lorsque, sous des sapins pareils à ceux des Landes, Nous avons aperçu les grands ongles marqués Par les loups voyageurs que nous avions traqués. Nous avons écouté, retenant notre haleine Et le pas suspendu. -- Ni le bois, ni la plaine Ne poussait un soupir dans les airs ; Seulement La girouette en deuil criait au firmament ; Car le vent élevé bien au dessus des terres, N'effleurait de ses pieds que les tours solitaires, Et les chênes d'en-bas, contre les rocs penchés, Sur leurs coudes semblaient endormis et couchés. Rien ne bruissait donc, lorsque baissant la tête, Le plus vieux des chasseurs qui s'étaient mis en quête A regardé le sable en s'y couchant ; Bientôt, Lui que jamais ici on ne vit en défaut, A déclaré tout bas que ces marques récentes Annonçait la démarche et les griffes puissantes De deux grands loups-cerviers et de deux louveteaux. Nous avons tous alors préparé nos couteaux, Et, cachant nos fusils et leurs lueurs trop blanches, Nous allions pas à pas en écartant les branches. Trois s'arrêtent, et moi, cherchant ce qu'ils voyaient, J'aperçois tout à coup deux yeux qui flamboyaient, Et je vois au delà quatre formes légères Qui dansaient sous la lune au milieu des bruyères, Comme font chaque jour, à grand bruit sous nos yeux, Quand le maître revient, les lévriers joyeux. Leur forme était semblable et semblable la danse ; Mais les enfants du loup se jouaient en silence, Sachant bien qu'à deux pas, ne dormant qu'à demi, Se couche dans ses murs l'homme, leur ennemi. Le père était debout, et plus loin, contre un arbre, Sa louve reposait comme celle de marbre Qu'adorait les romains, et dont les flancs velus Couvaient les demi-dieux Rémus et Romulus. Le Loup vient et s'assied, les deux jambes dressées Par leurs ongles crochus dans le sable enfoncées. Il s'est jugé perdu, puisqu'il était surpris, Sa retraite coupée et tous ses chemins pris ; Alors il a saisi, dans sa gueule brûlante, Du chien le plus hardi la gorge pantelante Et n'a pas desserré ses mâchoires de fer, Malgré nos coups de feu qui traversaient sa chair Et nos couteaux aigus qui, comme des tenailles, Se croisaient en plongeant dans ses larges entrailles, Jusqu'au dernier moment où le chien étranglé, Mort longtemps avant lui, sous ses pieds a roulé. Le Loup le quitte alors et puis il nous regarde. Les couteaux lui restaient au flanc jusqu'à la garde, Le clouaient au gazon tout baigné dans son sang ; Nos fusils l'entouraient en sinistre croissant. Il nous regarde encore, ensuite il se recouche, Tout en léchant le sang répandu sur sa bouche, Et, sans daigner savoir comment il a péri, Refermant ses grands yeux, meurt sans jeter un cri.
II
J'ai reposé mon front sur mon fusil sans poudre, Me prenant à penser, et n'ai pu me résoudre A poursuivre sa Louve et ses fils qui, tous trois, Avaient voulu l'attendre, et, comme je le crois, Sans ses deux louveteaux la belle et sombre veuve Ne l'eût pas laissé seul subir la grande épreuve ; Mais son devoir était de les sauver, afin De pouvoir leur apprendre à bien souffrir la faim, A ne jamais entrer dans le pacte des villes Que l'homme a fait avec les animaux serviles Qui chassent devant lui, pour avoir le coucher, Les premiers possesseurs du bois et du rocher.
Hélas ! ai-je pensé, malgré ce grand nom d'Hommes, Que j'ai honte de nous, débiles que nous sommes ! Comment on doit quitter la vie et tous ses maux, C'est vous qui le savez, sublimes animaux ! A voir ce que l'on fut sur terre et ce qu'on laisse Seul le silence est grand ; tout le reste est faiblesse. - Ah ! je t'ai bien compris, sauvage voyageur, Et ton dernier regard m'est allé jusqu'au coeur ! Il disait : " Si tu peux, fais que ton âme arrive, A force de rester studieuse et pensive, Jusqu'à ce haut degré de stoïque fierté Où, naissant dans les bois, j'ai tout d'abord monté. Gémir, pleurer, prier est également lâche. Fais énergiquement ta longue et lourde tâche Dans la voie où le Sort a voulu t'appeler, Puis après, comme moi, souffre et meurs sans parler. "
Djayesse Alias Monsieur Bricolage. Chef de meute en rut. Roi du croisillon verbal. Aime décaler les sons.
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Sujet: Re: Un peu de poésie dans ce monde de brutes Lun 31 Aoû 2009 - 21:27
Je ne pouvais pas passer à côté... Et en plus mon école s'appelle Louise Michel.
Le temps des cerises
Quand nous en serons au temps des cerises, Et gai rossignol et merle moqueur Seront tous en fête. Les belles auront la folie en tête Et les amoureux du soleil au coeur. Quand nous en serons au temps des cerises, Sifflera bien mieux le merle moqueur.
Mais il est bien court, le temps des cerises, Où l'on s'en va deux cueillir en rêvant Des pendants d'oreilles. Cerises d'amour aux robes pareilles Tombant sous la feuille en gouttes de sang. Mais il est bien court le temps des cerises, Pendants de corail qu'on cueille en rêvant.
Quand vous en serez au temps des cerises, Si vous avez peur des chagrins d'amour Evitez les belles. Moi qui ne crains pas les peines cruelles, Je ne vivrai pas sans souffrir un jour. Quand vous en serez au temps des cerises, Vous aurez aussi des chagrins d'amour.
J'aimerai toujours le temps des cerises : C'est de ce temps-là que je garde au coeur Une plaie ouverte, Et dame Fortune, en m'étant offerte, Ne saurait jamais calmer ma douleur. J'aimerai toujours le temps des cerises Et le souvenir que je garde au coeur.
Jean-Baptisite Clément (1837-1903)
allumette Comptable de l'association de soutien des loutres épilées.
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Sujet: Re: Un peu de poésie dans ce monde de brutes Mer 2 Sep 2009 - 19:20
L'âme du vin
Un soir, l'âme du vin chantait dans les bouteilles : " Homme, vers toi je pousse, ô cher déshérité, Sous ma prison de verre et mes cires vermeilles, Un chant plein de lumière et de fraternité !
Je sais combien il faut, sur la colline en flamme, De peine, de sueur et de soleil cuisant Pour engendrer ma vie et pour me donner l'âme ; Mais je ne serai point ingrat ni malfaisant,
Car j'éprouve une joie immense quand je tombe Dans le gosier d'un homme usé par ses travaux, Et sa chaude poitrine est une douce tombe Où je me plais bien mieux que dans mes froids caveaux.
Entends-tu retentir les refrains des dimanches Et l'espoir qui gazouille en mon sein palpitant ? Les coudes sur la table et retroussant tes manches, Tu me glorifieras et tu seras content ;
J'allumerai les yeux de ta femme ravie ; A ton fils je rendrai sa force et ses couleurs Et serai pour ce frêle athlète de la vie L'huile qui raffermit les muscles des lutteurs.
En toi je tomberai, végétale ambroisie, Grain précieux jeté par l'éternel Semeur, Pour que de notre amour naisse la poésie Qui jaillira vers Dieu comme une rare fleur ! "
Charles BAUDELAIRE
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Sujet: Re: Un peu de poésie dans ce monde de brutes Mer 2 Sep 2009 - 20:08
Il pleure dans mon cœur ...
Il pleure dans mon cœur Comme il pleut sur la ville ; Quelle est cette langueur Qui pénètre mon coeur ?
Ô bruit doux de la pluie Par terre et sur les toits ! Pour un cœur qui s'ennuie,
Ô le chant de la pluie !
Il pleure sans raison Dans ce cœur qui s'écœure. Quoi ! nulle trahison ?... Ce deuil est sans raison.
C'est bien la pire peine De ne savoir pourquoi Sans amour et sans haine Mon cœur a tant de peine!
Paul Verlaine
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Sujet: Re: Un peu de poésie dans ce monde de brutes Jeu 3 Sep 2009 - 7:24
MA LIBERTE
Longtemps je t'ai gardée Comme une perle rare Ma liberté C'est toi qui m'as aidé À larguer les amarres Pour aller n'importe où Pour aller jusqu'au bout Des chemins de fortune Pour cueillir en rêvant Une rose des vents Sur un rayon de lune
Ma liberté Devant tes volontés Mon âme était soumise Ma liberté Je t'avais tout donné Ma dernière chemise Et combien j'ai souffert Pour pouvoir satisfaire Tes moindres exigences J'ai changé de pays J'ai perdu mes amis Pour gagner ta confiance
Ma liberté Tu as su désarmer Toutes mes habitudes Ma liberté Toi qui m'as fait aimer Même la solitude Toi qui m'as fait sourire Quand je voyais finir Une belle aventure Toi qui m'as protégé Quand j'allais me cacher Pour soigner mes blessures
Ma liberté Pourtant je t'ai quittée Une nuit de décembre J'ai déserté Les chemins écartés Que nous suivions ensemble Lorsque sans me méfier Les pieds et poings liés Je me suis laissé faire Et je t'ai trahie pour Une prison d'amour Et sa belle geolière
Et je t'ai trahie pour Une prison d'amour Et sa belle geolière
Georges Moustaki
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Sujet: Re: Un peu de poésie dans ce monde de brutes Jeu 3 Sep 2009 - 8:13
Automne
Odeur des pluies de mon enfance Derniers soleils de la saison ! A sept ans comme il faisait bon, Après d'ennuyeuses vacances, Se retrouver dans sa maison !
La vieille classe de mon père, Pleine de guêpes écrasées, Sentait l'encre, le bois, la craie Et ces merveilleuses poussières Amassées par tout un été.
O temps charmant des brumes douces, Des gibiers, des longs vols d'oiseaux, Le vent souffle sous le préau, Mais je tiens entre paume et pouce Une rouge pomme à couteau.
René-Guy Cadou (1920-1951)
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Sujet: Re: Un peu de poésie dans ce monde de brutes Jeu 3 Sep 2009 - 18:39
A une passante
La rue assourdissante autour de moi hurlait. Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse, Une femme passa, d'une main fastueuse Soulevant, balançant le feston et l'ourlet ;
Agile et noble, avec sa jambe de statue. Moi, je buvais, crispé comme un extravagant, Dans son oeil, ciel livide où germe l'ouragan, La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.
Un éclair... puis la nuit ! - Fugitive beauté Dont le regard m'a fait soudainement renaître, Ne te verrai-je plus que dans l'éternité ?
Ailleurs, bien loin d'ici ! trop tard ! jamais peut-être ! Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais, Ô toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais ! té, Ô ma beauté !
Charles BAUDELAIRE
allumette Comptable de l'association de soutien des loutres épilées.
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Sujet: Re: Un peu de poésie dans ce monde de brutes Sam 5 Sep 2009 - 18:02
Le pied
Le pied d’un enfant ne sait pas qu’il est pied il pense être pomme ou papillon
Ce sont les choses familières vitres, pavés, rues, escaliers, chemins de terre battue qui lui apprennent qu’il ne peut pas voler ou qu’il pas un fruit rond sur une branche.
Très vite la bataille est perdue il est vaincu fait prisonnier et condamné à vivre dans une chaussure.
Petit à petit, il découvre le monde sans lumière sans connaître l’autre pied, lui aussi incarcéré, explorant la vie comme un aveugle.
Ses ongles sont des grappes de quartz qui durcissent et deviennent matière opaque, cornue et les petits pétales d’enfants s’aplatissent et prennent la forme de reptile sans yeux têtes triangulaires du ver-de-terre. Se couvrent de cals de minuscules volcans de la mort d’inacceptables cors.
Mais cet aveugle continue de marcher sans trêve, sans halte heure après heure un pied après l’autre devenu la propriété d’un homme ou d’une femme en haut en bas dans les champs, les mines les grands magasins, les ministères devant derrière dehors dedans à peine le temps d’être nu dans un moment d’amour ou de rêve le pied et sa chaussure marche, marchent jusqu’à ce que l’homme entier s’arrête.
Maintenant il est en terre mais il ne le sait pas parce que tout est obscur dans cet endroit il n’a jamais su qu’il n’était plus pied et si on l’enterrait pour qu’il devienne pomme ou pour qu’il puisse voler.
Pablo Neruda (traduit de Estravagario)
JubadeNumidie
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Sujet: Re: Un peu de poésie dans ce monde de brutes Sam 5 Sep 2009 - 19:13
L'Éternelle Chanson
Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs, Au mois de mai, dans le jardin qui s'ensoleille, Nous irons réchauffer nos vieux membres tremblants.
Comme le renouveau mettra nos coeurs en fête, Nous nous croirons encor de jeunes amoureux; Et je te sourirai tout en branlant la tête, Et nous ferons un couple adorable de vieux.
Nous nous regarderons assis sous notre treille, Avec de petits yeux attendris et brillants, Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille, Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs.
Sur notre banc ami, tout verdâtre de mousse, Sur le banc d'autrefois nous reviendrons causer. Nous aurons une joie attendrie et très douce, La phrase finissant souvent par un baiser.
Combien de fois jadis j'ai pu dire : "Je t'aime!" Alors avec grand soin nous le recompterons: Nous nous ressouviendrons de mille choses, même De petits riens exquis dont nous radoterons.
Un rayon descendra, d'une caresse douce, Parmi nos cheveux blancs, tout rose se poser, Quand sur notre vieux banc, tout verdâtre de mousse, Sur le banc d'autrefois nous reviendrons causer.
Et comme chaque jour je t'aime davantage, Aujourd'hui plus qu'hier et bien moins que demain, Qu'importeront alors les rides du visage? Mon amour se fera plus grave et plus serein.
Songe que tous les jours des souvenirs s'entassent; Mes souvenirs à moi seront aussi les tiens: Ces communs souvenirs toujours plus nous enlacent Et sans cesse entre nous tissent d'autres liens.
C'est vrai, nous serons vieux, très vieux, faiblis par l'âge, Mais plus fort chaque jour je serrerai ta main, Car vois-tu, chaque jour je t'aime davantage, Aujourd'hui plus qu'hier et bien moins que demain.
Et de ce cher amour qui passe comme un rêve Je veux tout conserver dans le fond de mon coeur: Retenir, s'il se peut, l'impression trop brève Pour la ressavourer plus tard avec lenteur.
J'enfouis tout ce qui vient de lui comme un avare, Thésaurisant avec ardeur pour mes vieux jours: Je serai riche alors d'une richesse rare: J'aurai gardé tout l'or de mes jeunes amours!
Ainsi de ce passé de bonheur qui s'achève Ma mémoire parfois me rendra la douceur; Et de ce cher amour qui passe comme un rêve J'aurai tout conservé dans le fond de mon coeur.
Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille, Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs, Au mois de mai, dans le jardin qui s'ensoleille, Nous irons réchauffer nos vieux membres tremblants.
Comme le renouveau mettra nos coeurs en fête, Nous nous croirons encore aux jours heureux d'antan, Et je te sourirai tout en branlant la tête, Et tu me parleras d'amour en chevrotant.
Nous nous regarderons, assis sous notre treille, Avec de petits yeux attendris et brillants, Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille, Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs.
Rosemonde Gérard
Djayesse Alias Monsieur Bricolage. Chef de meute en rut. Roi du croisillon verbal. Aime décaler les sons.
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Sujet: Re: Un peu de poésie dans ce monde de brutes Sam 5 Sep 2009 - 19:58
Ballade des Pendus
Frères humains, qui après nous vivez, N'ayez les coeurs contre nous endurcis, Car, si pitié de nous pauvres avez, Dieu en aura plus tôt de vous mercis. Vous nous voyez ci attachés, cinq, six : Quant à la chair, que trop avons nourrie, Elle est piéça dévorée et pourrie, Et nous, les os, devenons cendre et poudre. De notre mal personne ne s'en rie ; Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !
Se frères vous clamons, pas n'en devez Avoir dédain, quoique fûmes occis Par justice. Toutefois, vous savez Que tous hommes n'ont pas bon sens rassis. Excusez-nous, puisque sommes transis, Envers le fils de la Vierge Marie, Que sa grâce ne soit pour nous tarie, Nous préservant de l'infernale foudre. Nous sommes morts, âme ne nous harie, Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !
La pluie nous a débués et lavés, Et le soleil desséchés et noircis. Pies, corbeaux nous ont les yeux cavés, Et arraché la barbe et les sourcils. Jamais nul temps nous ne sommes assis Puis çà, puis là, comme le vent varie, A son plaisir sans cesser nous charrie, Plus becquetés d'oiseaux que dés à coudre. Ne soyez donc de notre confrérie ; Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !
Prince Jésus, qui sur tous a maistrie, Garde qu'Enfer n'ait de nous seigneurie : A lui n'ayons que faire ne que soudre. Hommes, ici n'a point de moquerie ; Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !
François Villon (1431-????)
JubadeNumidie
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Sujet: Re: Un peu de poésie dans ce monde de brutes Lun 7 Sep 2009 - 20:28
J'ai un rêve
Je suis heureux de participer avec vous aujourd'hui dans ce qui restera dans l'histoire comme la plus grande manifestation pour la liberté dans l'histoire de notre nation.
Il y a cent ans, un grand américain, qui jette sur nous aujourd'hui son ombre symbolique, a signé la Proclamation d'Émancipation. Cet arrêté d'une importance capitale venait porter lumière, comme un phare d'espoir, aux millions d'esclaves Noirs marqués par les flammes d'une injustice foudroyante, et annonçait l'aube joyeuse qui allait mettre fin à la longue nuit de la captivité.
Mais un siècle plus tard, nous devons faire le constat tragique que les Noirs ne sont pas encore libres. Un siècle plus tard, la vie des Noirs reste entravée par la ségrégation et enchaînée par la discrimination. Un siècle plus tard, les Noirs représentent un îlot de pauvreté au milieu d'un vaste océan de prospérité matérielle. Un siècle plus tard, les Noirs languissent toujours dans les marges de la société américaine, des exilés dans leur propre terre. Alors nous venons ici aujourd'hui pour dramatiser notre condition effroyable.
Nous venons à la capitale de notre nation pour demander, en quelque sorte, le paiement d'un chèque. Quand les architectes de notre république écrivirent les textes magnifiques de la Constitution et de la Déclaration d'Indépendance, ils signèrent un billet à l'ordre de chaque américain. C'était la promesse que chacun serait assuré de son droit inaliénable a la vie, à la liberté et à la poursuite du bonheur.
Il est aujourd'hui évident que l'Amérique a manqué à cet engagement quant à ses citoyens de couleur. Au lieu de faire honneur à cette obligation sacrée, l'Amérique a passé au peuple Noir un chèque qui revient marqué "sans provisions". Mais nous ne saurons croire que la banque de la Justice a fait faillite. Nous ne saurons croire qu'il n'y a plus suffisamment de provisions dans les grands coffres d'opportunité nationaux. Alors nous venons exiger paiement contre ce chèque, paiement sur demande des richesses de la liberté et de la sécurité que procure la justice. Nous venons également à cet endroit sacré pour rappeler à l'Amérique l'urgence absolue du moment. Ce n'est pas le moment de prendre le luxe de laisser calmer les esprits, ni de nous laisser endormir par une approche gradualiste. Il est temps de quitter la vallée sombre et désolée de la ségrégation pour prendre le chemin ensoleillé de la justice raciale. Il est temps d'ouvrir les portes de l'opportunité à tous les enfants de Dieu. Il est temps de tirer notre nation des sables mouvants de l'injustice raciale jusqu'au rocher solide de la fraternité.
Que la nation ne tienne pas compte de l'urgence du moment, qu'elle sous-estime la détermination des Noirs, lui serait fatal. Cet été étouffant du mécontentement légitime des Noirs ne prendra fin qu'à l'arrivée d'une automne vivifiante qui amènera liberté et égalité. L'année 1963 n'est pas une fin, mais un début. Ceux qui veulent croire que les Noirs seront satisfaits seulement de s'exprimer avec force auront un fâcheux réveil si la nation revient aux affaires habituelles comme si de rien n'était. L'Amérique ne connaîtra ni repos ni tranquillité tant que les Noirs ne jouissent pas pleinement de leurs droit civiques. Les orages de la révolte continueront à secouer les fondations de notre pays jusqu'au jour où la lumière de la justice arrivera.
Mais il y a quelque chose que je dois dire à mon peuple, qui est sur le point de franchir le seuil de la justice. En luttant pour prendre notre juste place, nous ne devrons pas nous rendre coupables d'actes injustes. Ne buvons pas de la coupe de l'amertume et de la haine pour assouvir notre soif.
Nous devons toujours conduire notre lutte dans un haut souci de dignité et de la discipline. Nous ne pouvons pas laisser notre protestation créative dégénérer en violence physique. Encore et encore, nous devons atteindre ce niveau exalté où nous opposons à la force physique, la force de l'âme. Le militantisme merveilleux qui a pris la communauté noire ne doit pas nous amener à nous méfier de tous les Blancs, puisque beaucoup de nos frères Blancs, on le voit par leur présence ici aujourd'hui, se sont rendus compte que leur destin est lié au nôtre, et que leur liberté dépend étroitement de la nôtre. Nous ne pouvons pas marcher seuls.
Et quand nous marchons, nous devons jurer d'aller toujours de l'avant. Nous ne pouvons pas faire demi-tour. Il y en a qui demandent aux fervents des droits civiques, "Quand serez-vous satisfaits ?" Nous ne saurons être satisfaits tant que nous ne pouvons pas laisser nos corps fatigués se reposer dans les motels des routes ni les hôtels des villes. Nous ne saurons être satisfaits tant que les Noirs ne peuvent bouger que d'un petit ghetto à un ghetto plus grand. Nous ne saurons être satisfaits tant qu'un Noir du Mississippi n'a pas le droit de voter et qu'un Noir à New York ne voit rien pour lequel il peut voter. Non, non, nous ne sommes pas satisfaits, et nous ne serons satisfaits que le jour où la justice se déchaînera comme les eaux, et que la rectitude sera comme un fleuve puissant.
Je ne suis pas sans savoir que certains d'entre vous arrivent ici après maintes épreuves et tribulations. Certains d'entre vous viennent directement des cellules étroites de prison. Certains d'entre vous viennent des régions où votre quête pour la liberté vous a laissés meurtris par les orages de la persécution et renversés par le vent de la brutalité policière. Vous êtes les vétérans de la souffrance créative. Persévérez dans l'assurance que la souffrance non-méritée vous portera rédemption.
Retournez au Mississippi, retournez en Alabama, retournez en Géorgie, retournez en Louisiane, retournez dans les ghettos et quartiers pauvres de nos villes du Nord, en sachant que cette situation, d'une manière ou d'une autre, peut être et sera changée. Ne nous complaisons pas dans la vallée de la désespoir.
Je vous dis aujourd'hui, mes amis, que malgré les difficultés et les frustrations du moment, j'ai quand même fais un rêve. C'est un rêve profondément enracinée dans le rêve américain.
J'ai fait un rêve, qu'un jour, cette nation se lèvera et vivra la vrai signification de sa croyance : "Nous tenons ces vérités comme allant de soi, que les hommes naissent égaux."
J'ai fait un rêve, qu'un jour, sur les collines de terre rouge de la Géorgie, les fils des anciens esclaves et les fils des anciens propriétaires d'esclaves pourront s'asseoir ensemble à la table de la fraternité.
J'ai fait un rêve, qu'un jour même l'état de Mississippi, un désert étouffant d'injustice et d'oppression, sera transformé en un oasis de liberté et de justice.
J'ai fait un rêve, que mes quatre enfants habiteront un jour une nation où ils seront jugés non pas par la couleur de leur peau, mais par le contenu de leur caractère. J'ai fait un rêve aujourd'hui.
J'ai fait un rêve, qu'un jour l'état de l'Alabama, dont le gouverneur actuel parle d'interposition et de nullification, sera transformé en un endroit où des petits enfants noires pourront prendre la main des petits enfants blancs et marcher ensemble comme frères et sœurs.
J'ai fait un rêve aujourd'hui.
J'ai fait un rêve, qu'un jour, chaque vallée sera levée, chaque colline et montagne sera nivelée, les endroits rugueux seront lissés et les endroits tortueux seront faits droits, et la gloire du Seigneur sera révélée, et tous les hommes la verront ensemble.
Ceci est notre espoir. C'est avec cet espoir que je rentre au Sud. Avec cette foi, nous pourrons transformer les discordances de notre nation en une belle symphonie de fraternité. Avec cette foi, nous pourrons travailler ensemble, prier ensemble, lutter ensemble, être emprisonnés ensemble, nous révoltons pour la liberté ensemble, en sachant qu'un jour nous serons libres.
Quand ce jour arrivera, tous les enfants de Dieu pourront chanter avec un sens nouveau cette chanson patriotique, "Mon pays, c'est de toi, douce patrie de la liberté, c'est de toi que je chante. Terre où reposent mes aïeux, fierté des pèlerins, de chaque montagne, que la liberté retentisse."
Et si l'Amérique veut être une grande nation, ceci doit se faire. Alors, que la liberté retentisse des grandes collines du New Hampshire. Que la liberté retentisse des montagnes puissantes de l'état de New York. Que la liberté retentisse des hautes Alleghenies de la Pennsylvanie!
Que la liberté retentisse des Rocheuses enneigées du Colorado!
Que la liberté retentisse des beaux sommets de la Californie!
Mais pas que ça, que la liberté retentisse des Stone Mountains de la Georgie!
Que la liberté retentisse des Lookout Mountains du Tennessee!
Que la liberté retentisse de chaque colline et de chaque taupinière du Mississippi!
Que la liberté retentisse!
Quand nous laisserons retentir la liberté, quand nous la laisserons retentir de chaque village et de chaque lieu-dit, de chaque état et de chaque ville, nous ferons approcher ce jour quand tous les enfants de Dieu, Noirs et Blancs, Juifs et Gentils, Catholiques et Protestants, pourront se prendre par la main et chanter les paroles du vieux spiritual noir, "Enfin libres! Enfin libres! Dieu Tout-puissant, merci, nous sommes enfin libres!".
Martin Luther King 28 août 1963
JubadeNumidie
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Sujet: Re: Un peu de poésie dans ce monde de brutes Lun 7 Sep 2009 - 20:29
I Have a Dream
I am happy to join with you today in what will go down in history as the greatest demonstration for freedom in the history of our nation.
Five score years ago, a great American, in whose symbolic shadow we stand today, signed the Emancipation Proclamation. This momentous decree came as a great beacon light of hope to millions of Negro slaves who had been seared in the flames of withering injustice. It came as a joyous daybreak to end the long night of their captivity.
But one hundred years later, the Negro still is not free. One hundred years later, the life of the Negro is still sadly crippled by the manacles of segregation and the chains of discrimination. One hundred years later, the Negro lives on a lonely island of poverty in the midst of a vast ocean of material prosperity. One hundred years later, the Negro is still languishing in the corners of American society and finds himself an exile in his own land. So we have come here today to dramatize a shameful condition. Martin Luther King, Jr., delivering his 'I Have a Dream' speech from the steps of Lincoln Memorial. (photo: National Park Service)
In a sense we have come to our nation's capital to cash a check. When the architects of our republic wrote the magnificent words of the Constitution and the Declaration of Independence, they were signing a promissory note to which every American was to fall heir. This note was a promise that all men, yes, black men as well as white men, would be guaranteed the unalienable rights of life, liberty, and the pursuit of happiness.
It is obvious today that America has defaulted on this promissory note insofar as her citizens of color are concerned. Instead of honoring this sacred obligation, America has given the Negro people a bad check, a check which has come back marked "insufficient funds." But we refuse to believe that the bank of justice is bankrupt. We refuse to believe that there are insufficient funds in the great vaults of opportunity of this nation. So we have come to cash this check — a check that will give us upon demand the riches of freedom and the security of justice. We have also come to this hallowed spot to remind America of the fierce urgency of now. This is no time to engage in the luxury of cooling off or to take the tranquilizing drug of gradualism. Now is the time to make real the promises of democracy. Now is the time to rise from the dark and desolate valley of segregation to the sunlit path of racial justice. Now is the time to lift our nation from the quick sands of racial injustice to the solid rock of brotherhood. Now is the time to make justice a reality for all of God's children.
It would be fatal for the nation to overlook the urgency of the moment. This sweltering summer of the Negro's legitimate discontent will not pass until there is an invigorating autumn of freedom and equality. Nineteen sixty-three is not an end, but a beginning. Those who hope that the Negro needed to blow off steam and will now be content will have a rude awakening if the nation returns to business as usual. There will be neither rest nor tranquility in America until the Negro is granted his citizenship rights. The whirlwinds of revolt will continue to shake the foundations of our nation until the bright day of justice emerges.
But there is something that I must say to my people who stand on the warm threshold which leads into the palace of justice. In the process of gaining our rightful place we must not be guilty of wrongful deeds. Let us not seek to satisfy our thirst for freedom by drinking from the cup of bitterness and hatred.
We must forever conduct our struggle on the high plane of dignity and discipline. We must not allow our creative protest to degenerate into physical violence. Again and again we must rise to the majestic heights of meeting physical force with soul force. The marvelous new militancy which has engulfed the Negro community must not lead us to a distrust of all white people, for many of our white brothers, as evidenced by their presence here today, have come to realize that their destiny is tied up with our destiny. They have come to realize that their freedom is inextricably bound to our freedom. We cannot walk alone.
As we walk, we must make the pledge that we shall always march ahead. We cannot turn back. There are those who are asking the devotees of civil rights, "When will you be satisfied?" We can never be satisfied as long as the Negro is the victim of the unspeakable horrors of police brutality. We can never be satisfied, as long as our bodies, heavy with the fatigue of travel, cannot gain lodging in the motels of the highways and the hotels of the cities. We cannot be satisfied as long as the Negro's basic mobility is from a smaller ghetto to a larger one. We can never be satisfied as long as our children are stripped of their selfhood and robbed of their dignity by signs stating "For Whites Only". We cannot be satisfied as long as a Negro in Mississippi cannot vote and a Negro in New York believes he has nothing for which to vote. No, no, we are not satisfied, and we will not be satisfied until justice rolls down like waters and righteousness like a mighty stream.
I am not unmindful that some of you have come here out of great trials and tribulations. Some of you have come fresh from narrow jail cells. Some of you have come from areas where your quest for freedom left you battered by the storms of persecution and staggered by the winds of police brutality. You have been the veterans of creative suffering. Continue to work with the faith that unearned suffering is redemptive.
Go back to Mississippi, go back to Alabama, go back to South Carolina, go back to Georgia, go back to Louisiana, go back to the slums and ghettos of our northern cities, knowing that somehow this situation can and will be changed. Let us not wallow in the valley of despair.
I say to you today, my friends, so even though we face the difficulties of today and tomorrow, I still have a dream. It is a dream deeply rooted in the American dream.
I have a dream that one day this nation will rise up and live out the true meaning of its creed: "We hold these truths to be self-evident: that all men are created equal."
I have a dream that one day on the red hills of Georgia the sons of former slaves and the sons of former slave owners will be able to sit down together at the table of brotherhood.
I have a dream that one day even the state of Mississippi, a state sweltering with the heat of injustice, sweltering with the heat of oppression, will be transformed into an oasis of freedom and justice.
I have a dream that my four little children will one day live in a nation where they will not be judged by the color of their skin but by the content of their character.
I have a dream today.
I have a dream that one day, down in Alabama, with its vicious racists, with its governor having his lips dripping with the words of interposition and nullification; one day right there in Alabama, little black boys and black girls will be able to join hands with little white boys and white girls as sisters and brothers.
I have a dream today.
I have a dream that one day every valley shall be exalted, every hill and mountain shall be made low, the rough places will be made plain, and the crooked places will be made straight, and the glory of the Lord shall be revealed, and all flesh shall see it together.
This is our hope. This is the faith that I go back to the South with. With this faith we will be able to hew out of the mountain of despair a stone of hope. With this faith we will be able to transform the jangling discords of our nation into a beautiful symphony of brotherhood. With this faith we will be able to work together, to pray together, to struggle together, to go to jail together, to stand up for freedom together, knowing that we will be free one day.
This will be the day when all of God's children will be able to sing with a new meaning, "My country, 'tis of thee, sweet land of liberty, of thee I sing. Land where my fathers died, land of the pilgrim's pride, from every mountainside, let freedom ring."
And if America is to be a great nation this must become true. So let freedom ring from the prodigious hilltops of New Hampshire. Let freedom ring from the mighty mountains of New York. Let freedom ring from the heightening Alleghenies of Pennsylvania!
Let freedom ring from the snowcapped Rockies of Colorado!
Let freedom ring from the curvaceous slopes of California!
But not only that; let freedom ring from Stone Mountain of Georgia!
Let freedom ring from Lookout Mountain of Tennessee!
Let freedom ring from every hill and molehill of Mississippi. From every mountainside, let freedom ring.
And when this happens, when we allow freedom to ring, when we let it ring from every village and every hamlet, from every state and every city, we will be able to speed up that day when all of God's children, black men and white men, Jews and Gentiles, Protestants and Catholics, will be able to join hands and sing in the words of the old Negro spiritual, "Free at last! free at last! thank God Almighty, we are free at last!"
Martin Luther King
Djayesse Alias Monsieur Bricolage. Chef de meute en rut. Roi du croisillon verbal. Aime décaler les sons.
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Sujet: Re: Un peu de poésie dans ce monde de brutes Mar 8 Sep 2009 - 18:46
Si tu t'imagines
Si tu t'imagines Si tu t'imagines, fillette fillette Si tu t'imagines Xa va xa va xa Va durer toujours La saison des za La saison des za Saison des amours Ce que tu te gourres fillette fillette Ce que tu te gourres Si tu crois petite Si tu crois ah ah Que ton teint de rose Ta taille de guêpe Tes mignons biceps Tes ongles d'émail Ta cuisse de nymphe Et ton pied léger Si tu crois petite Xa va xa va xa Va durer toujours Ce que tu te gourres fillette fillette Ce que tu te gourres
Les beaux jours s'en vont Les beaux jours de fête Soleils et planètes Tournent tous en rond Mais toi ma petite Tu marches tout droit Vers c'que tu n'vois pas Très sournois s'approchent La ride véloce La pesante graisse Le menton triplé Le muscle avachi Allons cueille cueille les roses, les roses Roses de la vie Roses de la vie Et que leurs pétales Soient la mer étale De tous les bonheurs De tous les bonheurs Allons cueille cueille Si tu le fais pas Ce que tu te gourres fillette fillette Ce que tu te gourres
Raymond Queneau (1903-1976)
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Sujet: Re: Un peu de poésie dans ce monde de brutes Mer 16 Sep 2009 - 10:45
Sous le pont Mirabeau coule la Seine Et nos amours Faut-il qu'il m'en souvienne La joie venait toujours après la peine Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure Les mains dans les mains restons face à face Tandis que sous Le pont de nos bras passe Des éternels regards l'onde si lasse Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure L'amour s'en va comme cette eau courante L'amour s'en va Comme la vie est lente Et comme l'Espérance est violente Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure Passent les jours et passent les semaines Ni temps passé Ni les amours reviennent Sous le pont Mirabeau coule la Seine Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure
"Le Pont Mirabeau" Apollinaire, Alcools (1912)
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Sujet: Re: Un peu de poésie dans ce monde de brutes Jeu 17 Sep 2009 - 9:31
J'ai tant rêvé de Toi
J'ai tant rêvé de toi que tu perds ta réalité. Est-il encore temps d'atteindre ce corps vivant Et de baiser sur cette bouche la naissance De la voix qui m'est chère?
J'ai tant rêvé de toi que mes bras habitués En étreignant ton ombre A se croiser sur ma poitrine ne se plieraient pas Au contour de ton corps, peut-être. Et que, devant l'apparence réelle de ce qui me hante Et me gouverne depuis des jours et des années, Je deviendrais une ombre sans doute. O balances sentimentales.
J'ai tant rêvé de toi qu'il n'est plus temps Sans doute que je m'éveille. Je dors debout, le corps exposé A toutes les apparences de la vie Et de l'amour et toi, la seule qui compte aujourd'hui pour moi, Je pourrais moins toucher ton front Et tes lèvres que les premières lèvres et le premier front venu.
J'ai tant rêvé de toi, tant marché, parlé, Couché avec ton fantôme Qu'il ne me reste plus peut-être, Et pourtant, qu'à être fantôme Parmi les fantômes et plus ombre Cent fois que l'ombre qui se promène Et se promènera allègrement Sur le cadran solaire de ta vie.
Robert Desnos 1900-1945
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Sujet: Re: Un peu de poésie dans ce monde de brutes Jeu 17 Sep 2009 - 10:24
Quand un soldat
Fleur au fusil tambour battant il va Il a vingt ans un coeur d'amant qui bat Un adjudant pour surveiller ses pas Et son barda contre son flanc qui bat
Quand un soldat s'en va t-en guerre il a Dans sa musette son baton d'maréchal Quand un soldat revient de guerre il a Dans sa musette un peu de linge sale
Partir pour mourir un peu A la guerre à la guerre C'est un drôle de petit jeu Qui n'va guère aux amoureux
Pourtant c'est presque toujours Quand revient l'été qu'il faut s'en aller Le ciel regarde partir ceux qui vont mourir Au pas cadencé
Des hommes il en faut toujours Car la guerre car la guerre Se fout des serments d'amour Elle n'aime que l'son du tambour
Quand un soldat s'en va-t-en guerre il a Des tas d'chansons et des fleurs sous ses pas Quand un soldat revient de guerre il a Simplement eu d'la veine et puis voilà Simplement eu d'la veine et puis voilà Simplement eu d'la veine et puis voilà
Francis Lemarque 1917-2002
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Sujet: Re: Un peu de poésie dans ce monde de brutes Dim 20 Sep 2009 - 14:10
Le laboureur soldat
Laboureur ! - Il n'était, ne voulut jamais être Que laboureur ; - un beau laboureur, lent et doux Et fort comme ses boeufs, qui l'aimaient entre tous Leurs bouviers, et venaient très docilement mettre, Dès son premier appel, leurs cornes et leurs cous Sous le dur joug en bois de hêtre...
A vingt ans il dut les quitter, étant conscrit ; Mais, libéré, vers eux il revint à la hâte, Et, dès le lendemain de son retour, reprit Avec eux le labeur qui soulève, pétrit Et repétrit le soi comme une bonne pâte Dont le blé futur se nourrit...
Un soir qu'il leur chantait le vieil air sans paroles Qu'ils comprennent fort bien et qui rythme leurs pas. Et qui les fait marcher encor quand ils sont las, Au petit clocher bleu soudain les cloches folles S'agitèrent dans un furieux branle-bas... Surpris, il s'arrête : Est-ce un glas ?
Non. - Le gai carillon des veilles de dimanche ? Non plus. - Quelque incendie ? Ah ! certes ! Et partout Des gens courent : " La guerre !... on mobilise ! " Au bout Du sillon brun, le laboureur lâche le manche, Dételle : " Adieu, mes boeufs ! " Il part, et le trois août Il labourait pour la Revanche.
Il porta le fusil et le sac vaillamment, Mais sans fanfaronnade et sans emballement, Se battit à Namur, fut blessé, guérit vite, Fut blessé de nouveau..., puis, comme nul n'évite Sa destinée, alla périr obscurément Dans cette presqu'île maudite
Où sur un sol ingrat sans verdure et sans eaux, Sous la soif et la faim, les obus et les balles, Tant de pauvres enfants, des meilleurs, des plus beaux, - Ainsi qu'au grand soleil des épis sous la faux, - Si follement, si loin des campagnes natales, Tombèrent dans de vains assauts...
Mon laboureur qui tant aimait son coin de terre, Ses genêts, ses prés verts et ses coteaux herbeux, Et la source où, le soir, il abreuvait ses boeufs, Et sa ferme, et peut-être, avec crainte et mystère D'un amour patient qu'il devait encor taire, La fille d'un maître ombrageux ;
Le voyez-vous mourir longuement sur le sable, Là-bas, dans un pays atroce de païens, Les yeux martyrisés par l'azur implacable, Sans un regard ami de son ciel ni des siens, Sans que nul sur sa lèvre, à l'instant redoutable, Mît le signe aimé des chrétiens !...
Pauvre petit soldat, ta mort, dont on ignore L'heure et le lieu, ne t'aura point valu la croix ; Que dis-je ! tu n'as pas même celle de bois Sur ta tombe perdue et que rien ne décore, Ni les ordres du jour flatteurs qui font encore Qu'on parle de vous quelquefois.
Puisse le Dieu que tu servais et qui dénombre Exactement les morts et sait où sont leurs os, Sur le tertre où tu dors mettre au moins un peu d'ombre Et, quand vient la saison où migrent nos oiseaux, Faire gémir sur toi les ramiers du bois sombre Qui couvrit nos communs berceaux ;
Et puisse-t-il donner à ceux-là qui te pleurent, Mais qui ne doutent pas de l'éternel revoir, La résignation, soeur tendre de l'espoir, Et leur persuader que les jeunes qui meurent En faisant comme toi simplement leur devoir Doublent l'ange veillant sur les vieux qui demeurent !
François FABIÉ (1846-1928)
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Sujet: Re: Un peu de poésie dans ce monde de brutes Lun 21 Sep 2009 - 8:15
La Chanson de Craonne
Quand au bout d’huit jours, le r’pos terminé, On va r’prendre les tranchées, Notre place est si utile Que sans nous on prend la pile. Mais c’est bien fini, on en a assez, Personn’ ne veut plus marcher, Et le cœur bien gros, comm’ dans un sanglot On dit adieu aux civ’lots. Même sans tambour, même sans trompette, On s’en va là haut en baissant la tête.
Refrain Adieu la vie, adieu l’amour, Adieu toutes les femmes. C’est bien fini, c’est pour toujours, De cette guerre infâme. C’est à Craonne, sur le plateau, Qu’on doit laisser sa peau Car nous sommes tous condamnés C'est nous les sacrifiés !
Huit jours de tranchées, huit jours de souffrance, Pourtant on a l’espérance Que ce soir viendra la r’lève Que nous attendons sans trêve. Soudain, dans la nuit et dans le silence, On voit quelqu’un qui s’avance, C’est un officier de chasseurs à pied, Qui vient pour nous remplacer. Doucement dans l’ombre, sous la pluie qui tombe Les petits chasseurs vont chercher leurs tombes.
C’est malheureux d’voir sur les grands boul’vards Tous ces gros qui font leur foire ; Si pour eux la vie est rose, Pour nous c’est pas la mêm’ chose. Au lieu de s’cacher, tous ces embusqués, F’raient mieux d’monter aux tranchées Pour défendr’ leurs biens, car nous n’avons rien, Nous autr’s, les pauvr’s purotins. Tous les camarades sont enterrés là, Pour défendr’ les biens de ces messieurs-là.
Refrain Ceux qu’ont l’pognon, ceux-là r’viendront, Car c’est pour eux qu’on crève. Mais c’est fini, car les trouffions Vont tous se mettre en grève. Ce s’ra votre tour, messieurs les gros, De monter sur l’plateau, Car si vous voulez la guerre, Payez-la de votre peau !
Anonyme (NB : les auteurs ont été sévèrement jugés par la hiérarchie qui encourageait les Poilus à les dénoncer. Ils ne furent jamais inquiétés)
JubadeNumidie
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Sujet: Re: Un peu de poésie dans ce monde de brutes Lun 21 Sep 2009 - 18:05
Je voudrais pas crever
Je voudrais pas crever Avant d'avoir connu Les chiens noirs du Mexique Qui dorment sans rêver Les singes à cul nu Dévoreurs de tropiques Les araignées d'argent Au nid truffé de bulles Je voudrais pas crever
[...]
Boris Vian
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Sujet: Re: Un peu de poésie dans ce monde de brutes Mar 22 Sep 2009 - 8:32
Couplets de la rue Saint-Martin
Je n'aime plus la rue Saint-Martin
Depuis qu'André Platard l'a quittée.
Je n'aime plus la rue Saint-Martin,
Je n'aime rien, pas même le vin.
Je n'aime plus la rue Saint-Martin
Depuis qu'André Platard l'a quittée.
C'est mon ami, c'est mon copain.
Nous partagions la chambre et le pain.
Je n'aime plus la rue Saint-Martin.
C'est mon ami, c'est mon copain.
Il a disparu un matin,
Ils l'ont emmené, on ne sait plus rien.
On ne l'a plus revu dans la rue Saint-Martin.
Pas la peine d'implorer les saints,
Saints Merri, Jacques, Gervais et Martin,
Pas même Valérien qui se cache sur la colline.
Le temps passe, on ne sait rien.
André Platard a quitté la rue Saint-Martin.
Robert Desnos (1943)
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Sujet: Re: Un peu de poésie dans ce monde de brutes